Des témoignages comme reflet de cette rencontre culturelle mais humaine avant tout !

A l’aube de cette ambitieuse collaboration, chacun embarquait avec son enthousiasme et ses rêves partagées.

“Pour moi, Small Citizens, est avant tout un projet de réflexion. Comment penser le théâtre jeune public dans une région où il n’existe pas. Comment raconter avec trois pays qui se partagent les Grands Lacs? Trois pays qui connaissent depuis les vingt-cinq dernières années, les conflits les plus compliqués, les tensions les plus importantes? Comment peut-on quand même se croiser et passer de l’autre côté du lac pour voir vraiment ce qui s’y passe?”
– Carole Karemera

“J’ai toujours eu l’envie de retourner en Afrique et de participer à la condition de ce continent par ce que je peux, à mon niveau, donner là-bas… Et l’outil “Le petit peuple de la brume” tombe bien car il s’inscrit dans ce projet et peut être mis au service de “Comment faire grandir l’humanité partout dans le monde?”
– Denis Mpunga

“Ce fut pour nous un long travail d’apprivoiser la “colère” née de l’injustice face à la maladie et à la mort qu’elle entraîne. Comment faire pour ne pas être soi-même détruit par ce feu intérieur qui nous consume ou nous entraîne dans la haine et la destruction?
Mais le long chemin qui nous a amené à ce spectacle, Le Petit Peuple de la Brume, fut tellement riche en émotions que nous pensons qu’à notre tour nous pouvons partager notre expérience et notre approche poétique et symbolique du sujet avec d’autres. Notre envie est grande de collaborer avec des artistes africains pour mieux comprendre l’universalité du propos.”
– Bernard Chemin

“Etre aux côtés des Small Citizens, de Denis Mpunga et de Bernard Chemin, entre Papyrus et Bambous me semble être une belle et fragile aventure que je ne saurais refuser. C’est pour moi une aventure humaine, une façon de vivre ensemble, d’inventer et peut-être d’ouvrir une compréhension du monde, une interrogation curieuse à partager. En riant. En souriant. J’aimerais trouver à «larmes» ce que «sourire» est à rire…”
Isabelle Pillot

Soutenu par différents partenaires Africains et Européens, Small Citizens naquit en 2017 au KINA festival de Kigali, lorsqu’une vingtaine de comédiens, danseurs, musiciens (et plus tard plasticiens) rejoignirent l’équipe du Papyrus. Tous embarquèrent pour cette première étape d’une aventure qui allait durer deux ans.

“J’ai accepté de participer au projet Small Citizens car, comme comédien, il me semblait très utile de découvrir le théâtre jeune public.”
– Elysée Nimubona (Burundi)

“Je me suis inscrit au projet parce que je voulais apprendre « c’était quoi » faire du théâtre pour les enfants et j’ai découvert que ‘c’était chercher’. Alors j’ai eu très envie de continuer.”
– Abdul Mujyambere (Rwanda)

“Je désirais développer le théâtre jeune public dans la région des Grands Lacs et amener les enfants à penser les grandes questions de la région : respect de l’environnement et aussi respect de l’autre ; respect de ses différences. L’enfant, comme l’adulte, a besoin du théâtre pour aiguiser sa pensée, se socialiser, apprendre…”
– Arthur Banshayeko (Burundi)

“I took part in the Small Citizens project to embark on a journey of young public theatre to enhance and develop my acting capacities.”
– Audace Ndabahawe (Burundi)

“Je voulais apprendre et expérimenter la création d’une pièce de théâtre pour le jeune public.”
– Gretha Ingabire (Rwanda)

Les improvisations commencent… et dès le début, la thématique de l’eau s’impose.

“On leur a donné le prologue du Petit peuple de la brume: On découvre un pays où plus rien ne pousse, où tout est dévasté. On se demande ce qui s’est passé et comment faire pour essayer de retrouver la vie. Etonnamment, ils ne sont pas du tout partis sur le feu, comme dans Le petit peuple de la brume, mais sur le manque d’eau… Très tôt dans le processus, sont arrivés certains objets qui sont restés dans le spectacle. On leur a demandé d’apporter un objet qui leur parlait beaucoup et un comédien est arrivé avec ce robinet d’où l’eau ne coulait plus…”
– Bernard Chemin

“La disparition de l’eau était le plus intriguant pour eux. Dans la région des Grands Lacs, toute leur mythologie est basée sur la présence de l’eau. Quelque chose qui pourrait les mettre vraiment en colère, c’est qu’il n’y en ait plus!”
– Denis Mpunga

Aux cours des huit étapes de ce voyage qui emmena le groupe du Rwanda en Belgique, en passant par l’île de La Réunion, se construit une équipe où chacun s’enrichit des différences de l’autre.

“Les comédiens rassemblés font tout de suite de la musique, chantent, dansent, de manière naturelle car c’est leur mode d’expression. C’est une manière d’être ensemble aussi. Ça crée des rencontres car, par exemple, les Burundais n’ont pas tout à fait le même langage ; ils ont des rythmes semblables, d’autres différents.”
– Bernard Chemin

“Ils se soutenaient énormément, même en improvisation. C’est très rafraîchissant de se dire que, quand on est dans un travail comme celui-là, avec une vingtaine de jeunes comédiens, personne n’essaie de se positionner, mais plutôt de contribuer, et quand quelqu’un est derrière, les autres le sentent et le prennent… La force du groupe est très puissante. Les gens des Grands Lacs ont réalisé que c’est leur force.”
– Carole Karemera

“Il y en a quelques-uns, des chocs culturels ! Je viens du Congo qui est juste à côté du Rwanda, deux peuples très différents. On a demandé aux comédiens : “Est-ce qu’un jour vous vous êtes mis en colère ?” On devait se retrouver deux mois après… Il n’y avait eu aucune préparation. Les gens du Rwanda disaient : “C’est difficile pour nous la colère parce qu’on n’est jamais en colère ; quand on est bien élevé, on ne se met pas en colère. Toute la différence était là ! Alors on a utilisé le mot injustice !… et des choses qu’ils n’ont jamais dites à personne sont sorties en atelier. C’était très émouvant, parce que la plupart disaient que, pour la première fois, ils avaient pu exprimer quelque chose où ils étaient vraiment en colère.”
– Denis Mpunga

”Comme chacun d’entre nous j’habite le long d’un lac qui est essentielle à ma survie et à celle des miens. Je dois le partager avec tous et comme tous j’en suis responsable. Qu’adviendrait-il s’il disparaissait ou si quelqu’un le détournait à son seul profit? Les enfants d’amazi est un spectacle qui fut créé avec l’esprit de cette co-responsabilité et de solidarité nécessaire à l’émergence de la convivialité autour du lac. C’est pourquoi je suis un enfant d’amazi.”
– Didier de Neck

La multiplicité des langues est un trésor!

“Un jeune africain apprend trois quatre langues, car il est entouré de langues différentes. On les parle sans y penser…. Aucune de ces langues n’est exclue sur le plateau. C’est leur richesse culturelle!”
– Denis Mpunga

“L’important, c’est qu’on comprenne… Les comédiens parlent dans leur langue, mais dans la construction du spectacle, on les comprend. Soit par ce qu’on voit, soit parce que la parole circule entre les comédiens et est répétée dans plusieurs langues.” BC
“L’usage de plusieurs langues donne l’importance aux mots et aux concepts… La traduction, même dans les retours qu’on faisait aux comédiens, nous a beaucoup appris sur comment l’humain fonctionne dans différentes régions, et comment le jeu de la scène peut continuer à s’enrichir constamment au contact d’autres cultures, d’autres générations, d’autres disciplines…”
– Carole Karemera

En 2018, de jeunes plasticiens embarquent dans l’aventure et rejoignent la scénographe, Christine Flasschoen les encadre pour réfléchir et construire le décor.

“Une des richesses du projet de scénographie est d’avoir pu d’une part travailler en workshop avec un certain nombre de jeunes plasticiens, encore en formation ou fraîchement diplômés, et d’autre part, avec une équipe restreinte de 3 jeunes rencontrés lors de ce workshop, sur la réalisation effective du décor du spectacle Les enfants d’amazi”
– Christine Flasschoen

“Ces jeunes scénographes ont découvert avec Christine que l’activité d’un plasticien n’est pas toujours une activité individuelle. Ils étaient déstabilisés à l’idée de participer à un échauffement vocal ou de voir comment un matériel qui a été proposé, est accepté ou rejeté… de manière toujours positive !”
– Carole Karemera

“Nous espérions que la scénographie puisse surgir de ce workshop, mais le résultat a été au-delà de nos attentes, car les idées apparues s’inscrivent dans la réalité quotidienne africaine, contemporaine et traditionnelle !” 
– Christine Flasschoen

“On rentre (dans le spectacle) par une citerne, qu’on trouve partout en Afrique puisqu’on n’a pas d’eau courante. Donc dans notre paysage collectif, cette citerne, elle est là ! Ce qui m’émeut le plus c’est l’idée qu’on puisse transformer quelque chose d’ordinaire en une porte vers l’imaginaire. Commencer l’aventure du jeune public avec les enfants et avec les jeunes artistes au Rwanda en leur disant que tout ce qu’ils voient tous les jours a un potentiel artistique, créatif, imaginatif énorme, est déjà quelque chose d’important pour moi.”
– Carole Karemera

“Nous avons travaillé sur les thèmes du spectacle, qui était alors encore en devenir, et j’ai été surprise de la réceptivité, de la créativité et de la générosité dans le travail, de ces jeunes qui souvent entendaient parler pour la première fois de scénographie. Certains projets étaient tout autant intéressants que ceux qui nous ont finalement inspirés. La scénographie a été finalisée après le workshop, en synthétisant certaines idées, et, malgré le peu de temps et certaines difficultés matérielles, le décor a pu se matérialiser petit à petit au cours des deux dernières sessions de répétitions.” 
– Christine Flasschoen

Du théâtre pour faire penser les enfants… et les adultes!

“Comment ça se passe à l’intérieur des enfants ? La société (rwandaise) évolue très bien mais on ne sait pas comment ça se passe à l’intérieur des gens, et à fortiori à l’intérieur des enfants qui n’ont pas connu le génocide mais reçoivent des informations fortes de leur entourage. Carole a invité des personnes qui s’intéressent au génocide et aux recherches de solutions pour dépasser cette histoire. On a voulu approcher ça. L’eau revient car une poupée qu’un des personnages a conservé de son enfance, a gardé toutes les larmes en elle et, à la fin du spectacle, elle les pleure.”
– Bernard Chemin

“Je pense que s’ils (les artistes) ont retenu quelque chose, c’est de pouvoir rendre aux enfants la possibilité de penser par eux-mêmes. Et c’est la raison philosophique peut-être la plus profonde, pour laquelle j’ai participé à ce projet. Le théâtre est un outil nécessaire qui permet plusieurs lectures… Il n’y a pas une vérité qu’on doit comprendre mais je dois me créer ma vérité à partir des éléments qu’on me donne et je dois argumenter pour la faire exister.”
– Denis Mpunga

Tous ensemble jusqu’au bout du voyage!

“Garder tout le monde, c’est le fondement du projet. Si on voulait que tous participent, il était intéressant que tous apprennent tous les rôles… Pour des questions de visa, certains ne peuvent pas venir en Belgique ; d’autres ne peuvent pas aller en Afrique du Sud…”
– Bernard Chemin

“On s’est dit : “Si on crée un spectacle avec six personnes alors que plus d’une vingtaine ont participé à sa création, c’est totalement exclusif et ça ne représente pas du tout le processus du projet !” Alors, on a très tôt décidé que le spectacle pourrait être joué par des équipes différentes.”
– Carole Karemera

Les premières représentations du spectacle Enfants d’amazi/Abana b’amazi ont lieu au KINA festival 2019.

“Plusieurs choses nous ont… explosés de joie ! Et éclairés d’avantage sur la relation à l’autre, à l’espace, au public, à l’histoire et au contenu culturel. Par exemple, l’enthousiasme des enfants! Si tout à coup, il y a un effet sur le plateau, les enfants vont physiquement à sa rencontre. Ils ne se contentent pas de regarder le spectacle comme devant un écran, ils n’ont pas cette habitude-là. Aussi, la distance comédien-public, n’existe pas pour les enfants en Afrique. ”
– Carole Karemera

“Beaucoup d’enfants étaient très émus et demandaient : Pourquoi vous avez fait ça pour nous ? Le fait qu’amazi soit aussi construit à partir de matériaux ou d’éléments qu’on peut retrouver dans n’importe quel paysage à l’Est du Congo, au Rwanda ou au Burundi, fait que les enfants directement embrassent le spectacle et s’y reconnaissent.”
– Carole Karemera

“Lors du KINA festival, le spectacle a aussi été joué en extérieur. Le décor a été conçu pour que le spectacle puisse être joué partout où c’est possible! Le but est de pouvoir le montrer au plus d’enfants possible !”
– Bernard Chemin

“Je souhaite que le spectacle tourne énormément en Afrique, car c’est un message important pour les jeunes du contient de voir sur le plateau des gens qui leur ressemblent, de voir des spectacles qui créent de la beauté mais aussi qui font sens pour les jeunes générations d’Afrique. Et qu’il tourne en Europe aussi ! Car, rarement, on pense que des gens qu’on positionne comme des ennemis, puissent travailler ensemble pour raconter une histoire.”
– Carole Karemera

 

L’aventure continue…

“Il y a une tournée dans la région des Grands Lacs bien sûr, sinon, ça n’aurait pas de sens! Mais il est important que cette voix de l’Afrique soit entendue en Europe.”
– Denis Mpunga

“On continue à partager et organiser collectivement la tournée de ce spectacle dans la Région des Grands Lacs avec des relais au Rwanda, au Burundi, au Congo; avec chaque fois une équipe possible, parce que la réalité est que, demain, une frontière peut être fermée entre les pays… Mais en aucun cas, ça ne doit empêcher les comédiens qui ont participé à ce projet de continuer à développer dans leur propre pays ce qu’on a commencé ensemble!… On va essayer d’embrasser nos réalités et de voir comment trouver des solutions collectivement pour que tout le monde garde et trouve sa place dans ce projet quelles que soient les circonstances.”
– Carole Karemera

Le rêve de Carole

“Le rêve ultime, pour moi, c’est d’avoir un théâtre entièrement dédié au jeune public au Rwanda qui serve toute la région des Grands Lacs; d’avoir cinq spectacles par an qui soient coproduits par au moins quatre ou cinq pays de la région et d’Europe, et qu’ils tournent partout; qu’on introduise du théâtre à l’école; que ça devienne une habitude familiale pour les parents de venir voir ces spectacles, et qu’ils soient autant éblouis que les enfants!… L’arbre est planté, il est tout petit, mais j’espère que quand vous reviendrez dans quelques années, et que nous aurons beaucoup tourné, vous trouverez une forêt…”
– Carole Karemera

 

Et déjà, pousse la forêt…

“Il était important pour nous tous de pouvoir faire quelque chose de durable, quelque chose qui allait rester après notre départ ; de donner aux gens des outils qu’ils peuvent s’approprier et apprivoiser à leur manière… C’est plutôt bien parti parce qu’on n’avait pas encore fini le travail, que les gens commençaient déjà à dupliquer les acquis…”
– Denis Mpunga

“Ce projet m’a fait comprendre le processus de création au théâtre et la valorisation du temps à réserver à toute création, mais aussi l’exigence du théâtre destiné au jeune public. J’ai déjà pu appliquer les connaissances acquises dans ma troupe, et ai constaté leur pertinence. Je vais maintenant pouvoir aider mon pays en développant le théâtre jeune public dans la région des Grands Lacs.”
– Rivardo Niyonizigiye (Burundi)

“The project gave us the opportunity to read and understand every comedian through their cultural mirror; an expression of diversity and richness… Thanks to the project, I am no longer the comedian I was before.”
– Audace Ndabahawe (Burundi)

“En participant au projet, j’ai appris à travailler avec une équipe pour créer une œuvre d’art. J’ai également appris davantage sur le pouvoir du théâtre en tant qu’art. J’ai appris à être moi-même.”
– Gretha Ingabire (Rwanda) 

“J’ai déjà pu mettre à profit l’expérience du projet Small citizens en la partageant avec quelques comédiens et metteurs en scène du Burundi.”
– Arthur Banshayeko (Burundi) 

“To make my experience from Small citizens fruitful and sustainable, I keep on making more research in the area and I challenge myself and colleagues in creating and producing performances for young audience.”
– Audace Ndabahawe (Burundi) 

“Ce projet m’a apporté beaucoup de connaissances en matière de création, de montage et de production de spectacles dans la région des Grands Lacs. Depuis, Umunyinya Theater Company, la compagnie avec laquelle je travaille, a déjà produit deux spectacles jeune public à Bujumbura!”
– Elysée Nimubona (Burundi)